mardi 4 décembre 2012

Les 14 commandements du mariage civil


Le débat sur l'ouverture du mariage civil et l'adoption initiée depuis 1998 avec le débat sur le pacs, bat son plein aujourd'hui, c'est le moins que l'on puise dire. Pas un jour sans que ne soit publiés des articles dans les médias, que ne soient proférées des propos profondément irrespectueux à l'égard des lesbiennes, des gays et de leurs enfants (de la polygamie en passant par l'inceste, la supercherie, le terrorisme et la marchandisation des enfants) jusqu'à l'égarement d'un Président de la République invoquant la liberté de conscience, réintroduisant implicitement la religion au cœur de la République, sans oublier ces juristes conservateurs pratiquant la divination en prédisant de manière infondée, une possible inconstitutionnalité de la loi qui va être votée (déjà sous l'Occupation, nombre d'entre eux s'étaient fait un plaisir de commenter froidement les lois frappant les juifs sans une once de critiques), autant de propos qui lorsque nous les relirons dans une ou deux décennies nous paraitront doublement aberrants, tout comme nous paraissent aujourd'hui aberrants les discours tenus dans le passé, par les conservateurs de tout bords qui se sont exprimés contre le divorce par consentement mutuel, l'IVG, la contraception, le vote des femmes, l'égalité entre les races etc. Quoiqu'il en soit il est nécessaire de rappeler les 14 commandements du mariage civil et de l'adoption ouverts à tous les couples.


  1. Le débat ne porte pas sur le mariage "gay" car cela signifierait que ce mariage serait réservé aux seules personnes homosexuelles enfermant ces dernières dans un statut spécifique contraire à l'universalité de la loi. Le débat porte sur l'ouverture du mariage civil et de l'adoption actuellement réservés aux seuls couples de personnes de sexe différent. Il s'agit de l'ouvrir aux couples de personnes de même sexe.
  1. Le débat porte sur le mariage civil et non sur le mariage religieux. Les religions ne sont pas concernées par ce débat, elles peuvent donner leur opinion fondée sur leur foi respective, mais n'oublions pas : la foi n'est pas la loi.
  1. Le mariage civil n'est pas immuable. Le mariage civil est un cadre juridique qui n'a cessé d'évoluer depuis sa création par la Constitution de 1791 (bref rappel historique : 1804, maintien de la sécularisation du mariage civil dans le code civil ; 1884 : divorce pour faute avec une très forte résistance de l'Eglise ; 1912 : instauration de l'action en reconnaissance de paternité; 1966 : suppression du régime matrimonial de la dot ; 1970 : fin de la puissance paternelle au profit de l'autorité parentale ; 1975 : divorce par consentement mutuel ; de 1978 à 1993 : différentes lois sont votées et instaurent une égalité des droits et des devoirs entre époux et vis-à-vis des enfants ; 2005 : suppression de toute différence juridique dans les modes d'établissement des filiations avec la suppression des termes "légitime" et "naturel"). Le mariage civil est cadre juridique qui évolue avec son temps.
  1. Ouvrir le mariage civil et l'adoption c'est rendre effectif le principe républicain d'Egalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement ce que signifie le principe d'égalité de traitement devant la Loi : à situation de faits similaires, traitement juridique similaire (1). Les couples hétérosexuels et les couples homosexuels sont dans une situation de fait similaire : ce sont des couples, il faut donc les traiter sur le plan juridique de la même manière, c'est-à-dire leur permettre d'avoir la liberté de choix entre les mêmes statuts conjugaux : le mariage, le pacs et le concubinage.
  1. Ouvrir le mariage civil à tous les couples, ne retire aucun droit aux couples de personnes de sexe différent qui ont déjà ce droit : cela ne changera rien pour ces couples, qui pourront toujours choisir de se marier ou pas.
  1. Ouvrir un droit n'est pas imposer une obligation : chacun aura le choix de se marier ou pas et peu importe que tous les couples homosexuels ne veuillent pas se marier : tous les couples hétérosexuels non plus.
  1. Avoir des enfants n'est pas un devoir ou une obligation dans le mariage civil : c'est une faculté dont on use ou pas, sinon le mariage civil serait interdit aux personnes stériles, comme le rappelait pertinemment Jean Carbonnier, fondateur de la sociologie du droit.
  1. Refuser l'ouverture du mariage civil, c'est conserver un principe hiérarchique entre les sexualités. Cela alimente l'homophobie, puisqu'implicitement l'Etat accrédite l'idée d'une infériorité des homosexuels : s'ils ont moins de droit, ils valent moins....
  1. Ouvrir le mariage civil aux couples de personnes de même sexe n'effacera pas la différence de sexe. La différence de sexe est un fait, pas un droit. Or il faut distinguer le fait du droit. Par exemple durant des siècles au nom de la différence de sexe entre les femmes et les hommes, les femmes avaient moins de droits que les hommes, jusqu'à il y a encore peu. Aujourd'hui il y a une égalité de droit entre les femmes et les hommes : les femmes et les hommes ont les mêmes droits et les mêmes devoir. Cette égalité sur le plan juridique n'a pas aboli la différence de sexe qui demeure dans la réalité de nos sociétés.
  1. La Convention internationale des droits de l'enfant n'a jamais proclamé le droit des enfants à avoir un père et une mère et pour cause avoir un père et une mère n'est pas une question de droit, c'est une question de fait, sinon, il faudrait par exemple obliger le million de familles monoparentales à se marier.
  1. Les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe vont bien comme le montrent de nombreuses études qui sont publiées depuis près de 38 ans. Ils ne deviennent pas davantage homosexuels que les enfants élevés par un couple de sexe différent, ils ne sont pas dans la confusion des places de chacun dans leur famille.
  1. Les règles juridiques de la filiation sont des constructions sociales comme le montrent les travaux de tous les anthropologues de Claude Levy Strauss à Françoise Héritier en passant par Maurice Godelier qui rappelle que "l'humanité n'a cesser d'inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance" ou Anne Cadoret qui rappelle que pour faire un enfant il ne faut pas deux parents mais toute une société. C'est pourquoi les règles juridiques de la filiation ne sont pas un décalque de la nature (exemple : adoption par une personne célibataire ou accouchement sous X qui n'existe pas dans la nature mais existe en droit ou encore l'assistance à la procréation avec tiers donneurs
  1. Le remplacement des termes "père" et "mère" par le terme "parent" a déjà été effectué dans de nombreux textes du code civil. Il suffit de lire par exemple les articles 372-2 du code civil et suivants. En outre, comme pour la différence de sexe, il faut distinguer le fait du droit. Lorsque le droit emploie le terme de "parent", dans la réalité on parle de père et de mère, comme le montre d'ailleurs ce qui se passe dans les pays qui ont déjà ouvert l'adoption et la procréation médicalement assistée.
  1. Ouvrir le mariage civil et l'adoption aux personnes homosexuelles, mettra fin à la discrimination légale qui frappent ces 3, 5 millions de citoyens en les intégrant, enfin, dans l'universalité de la Loi républicaine.                                                                    Caroline Mecary est l'auteur de L'amour et la loi, homos hétéros, mêmes droits, mêmes devoirs. Alma-éditeur.